Un définition terriblement complexe

Définir la médiation environnementale est un exercice terriblement complexe pour de multiples raisons. Nous en citerons trois :

  1. Il existe une multitude de styles de médiation (de directive à transformative), de domaines d’intervention, de perceptions et de postures du médiateur.trice (de facilitateur à manipulateur). Faget (2008) écrit en parlant des recherches sur les effets de de la médiation internationale, « Le principal problème réside dans le choix d’une conception très extensive du concept de médiation. Toutes les interventions d’une tierce partie dans un conflit sont amalgamées sous ce terme. Or, il existe un saut qualitatif énorme entre les pressions exercées par le président des États-Unis et l’intervention non directive d’un universitaire suisse ou norvégien, ou d’une petite ONG caritative » (p. 321).
  2. Le concept d’environnement a lui aussi un caractère polysémique.
  3. Le concept de médiation environnementale est utilisé et compris très différemment. Selon Sophie Allain, la médiation environnementale est, en France et en Suisse surtout liées à des démarches participatives. Dans notre pratique, nous posons l’intention de séparer le processus de médiation des démarches participatives auxquelles il peut être associé.

Et en même temps, selon Jean-Pierre Bonafé-Schmitt dans  son éditorial de la Lettre des médiations N°9  » Pour faire de la médiation environnementale une priorité, il faut, en premier lieu la sortir du flou sémantique dans laquelle, elle se trouve… » (p2).

Avec cet objectif et afin de donner un cadre clair à notre pratique, nous présentons ici notre vision de notre pratique de la médiation environnentale aujourd’hui. Nous espérons qu’elle va évoluer dans la pratique avec l’ensemble des acteurs qui participent et collaborent à ces processus du mieux vivre ensemble dans et avec notre environnement naturel.

Notre style de médiation

Je reprends ici une définition issue du module Médiation A1 (Bonafé-Schmitt, s.d., p. 9) : « La médiation peut être définie comme un processus, le plus souvent formel, par lequel un tiers impartial, le médiateur, tente à travers l’organisation d’échanges entre les parties de leur permettre d’échanger ou de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose ou à (re)créer une relation entre eux. »

Ainsi, il y a médiation lorsqu’un tiers impartial et neutre favorise la communication, en dehors de toute relation de pouvoir. Ce processus respecte le principe de la confidentialité des échanges, recherche d’un consensus et favorise l’autonomie des personnes. Il y a une volonté de redonner aux acteurs le pouvoir de gérer leurs conflits dans la recherche d’une solution ou dans l’amélioration de la qualité du lien.

Clarification de notre usage de certains concepts : environnement, bien commun, territoire

Environnement : Les définitions reprises du Larousse de l’environnement qui délimitent notre champ d’action sont les suivantes :  » Ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins. » et « Ensemble des éléments objectifs (qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d’un paysage, qualité d’un site, etc.) constituant le cadre de vie d’un individu. » (repéré le 24.10.2023)

Ainsi, nous considérons que dans notre pratique, la médiation environnementale intervient dans un système délimité (= environnement : un quartier, une ville, un fleuve, un bassin versant, une prairie, un glacier, une montagne…) considéré dans sa complexité sociale, économique, politique et écologique. Elle implique souvent des problématique de gestion des biens communs.

« Les biens communs désignent des ressources partagées, accessibles à un groupe ou à une communauté plutôt qu’à des propriétaires individuels. Ce sont des ressources naturelles ou sociales qui sont utilisées et gérées collectivement. Les biens communs peuvent inclure des éléments tels que l’eau, l’air, les forêts, les pâturages, les océans, les connaissances partagées, les logiciels open source, des services, etc. Ces ressources ont deux particularités : la rivalité et la non-exclusion. La rivalité signifie que l’utilisation d’une partie des biens communs par une personne limite la quantité ou la disponibilité pour les autres. La non-exclusion signifie que l’accès à ces ressources n’est pas restreint, ou du moins, n’est pas facilement exclu pour les membres de la communauté. » (Youmatter, 24.10.2023)

Territoire : La définition du Larousse est :  » Portion de l’espace terrestre dépendant d’un État, d’une ville, d’une juridiction ; espace considéré comme un ensemble formant une unité cohérente, physique, administrative et humaine. » (repéré le 24.10.2023)

De ce fait, dans notre pratique, la médiation territoriale intevient dans un espace physique, administratif et humain (= le territoire : une maison, un immeuble, un champ, un quartier…). Son champ d’action est plus restreint que celui de la médiation environnementale et elle peut n’impliquer que les parties en conflit.

Notre vision de la médiation environnementale

Notre définition de la médiation environnementale correspond à la définition donnée par Sophie Allain (2020) dans la Lettres des médiations Numéro 9 , « En fonction de ce qui précède, on peut définir de manière générale la médiation environnementale comme la facilitation de la cohabitation d’êtres humains avec et dans leur environnement par un tiers neutre et indépendant, selon un processus reposant sur l’implication des parties prenantes » (p. 8).

Sophie Allain reprend les éléments important de notre vision de la médiation qui (re)-donne aux acteurs le pouvoir de gérer leurs conflits en ajoutant un élément important : la nécessité d’impliquer toutes les parties prenantes, y compris l’environnement naturel

Ainsi, la médiation environnementale doit impliquer des représentant.e.s de l’ensemble des acteur.trice.s, y compris des représentant.e.s de l’environnement naturel et/ou culturel et prendre en compte la complexité du système .

Son objectif est de favoriser une cohabitation harmonieuse dans et avec notre environnement naturel.

Son moyen est la communication et le développement d’une compréhension commune du sytème et de ses enjeux pour redonner aux citoyen.ne.s les outils pour prendre soin de leur environnement de vie.

Ce processus est applicable en particulier aux conflits liés à la gestion des biens communs.

Nos critères pour qu’un processus de gestion de conflit environnemental soit une médiation environnementale :

  1. C’est une négociation à vision intégrative avec le soutien d’un tiers impartial et neutre.
  2. Chaque partie a un.e représentant.e qui est reconnu.e par ses paires. Il peut faire des choix, prendre des décisions et peut si nécessaire vérifier auprès des ses paires (équipe restreinte par rapport à une démarche participative et la représentation de chaque groupe est contrôlée).
  3. Il s’agit d’un processus décisionnel (faire des choix conscient qui doivent éventuellement être validées par des autorités politiques et/ou administratives) entre des parties autonomes et responsables.
  4. Le rôle de la médiatrice neutre et impartiale :
    • Écouter, synthétiser, structurer ;
    • favoriser la transparence, la complétude et la profondeur : enjeux, valeurs, émotions ;
    • mettre en lumière les différences de pouvoir, tenter de neutraliser les tentatives de stratégies.